Si le harcèlement est aujourd’hui reconnu unanimement comme un problème majeur de la société égyptienne, il est en réalité apparu très tardivement dans les médias. D’abord évoqué dans la presse étrangère, il semble que le terme n’a été repris en tant que tel dans la presse égyptienne qu’à la fin des années 1990. La consultation des archives arabes du journal Al Ahram nous a ainsi permis de constater que le terme “harcèlement”, dans sa traduction arabe (Ø§Ù„ØªØØ±Ø´), n’a été évoqué pour la première fois qu’en 1998. C’est lors de l’affaire de harcèlement de Paula Jones par l’ancien président des Etats-Unis, Bill Clinton, que ce mot est employé pour la première fois semble-t-il. L’histoire était très populaire et fut évoquée pendant plus d’un an dans les journaux égyptiens. Un problème de harcèlement sexuel est abordé pour la seconde fois lorsqu’un politicien et général israélien, Yitzhak Mordechai, a été accusé d’avoir harcelé deux femmes le 21 mars 2001. Avant les années 2000, le harcèlement était alors largement un problème étranger et non local dans la presse. Ce qui, dans les fait, n’était pas le cas puisqu’il existait depuis très longtemps dans les rues égyptiennes.
En mai 2005, un référendum a eu lieu pour une modification de la Constitution. Certains journalistes sont allés dans la rue et ont protesté contre le référendum, beaucoup d'entre eux étaient des femmes. Pour la première fois les médias ont témoigné sur le harcèlement sexuel des femmes dans les rues égyptiennes par des vidéos diffusées sur les télévisions montrant l’agression et le harcèlement de masse des femmes. Le jour suivant, il y eut une autre protestation mais devant le syndicat du journalisme où les femmes tenaient leurs vêtements déchirés, donnant puissance a un mouvement appelé ‘Ø§Ù„Ø´Ø§Ø±Ø¹ لنا’ traduit en français « La rue est à nous ». C’est alors la première fois que se fut mention et courent des phénomènes de harcèlement en Egypte, à travers des vidéos. Cela fut le début de la libération de la parole sur le problème du harcèlement, même si c’était très faible, « La rue est à nous » était un grand scandale car les femmes sont allées à la télévision et ont raconté leurs histoires expliquant comment elles ont été harcelé par l’Etat. Quand l'Etat harcèle les femmes, cela donne implicitement un droit d’agression du corps des femmes par n'importe qui, exactement comme vu en 2006. Le premier article fut écrit le 16/11/2006 par un journaliste du Al Ahram, Salama Ahmed Salama. Il dénonçait le comportement déplacé des hommes envers les femmes pendant la Eid dans le centre-ville du Caire et comment ces femmes après avoir demandé de l’aide à la police, des gens autour d’elles, ont été abandonnés à leur impuissance. Donc pendant très longtemps en Egypte, nous n’avions pas de voix pour dénoncer ce qui arrivait aux femmes dans les espaces publics et nous n’avions pas de loi pour protéger les femmes du harcèlement. En 2011, tout a changé. Tous les médias axaient massivement sur le problème du harcèlement sexuel. En consultant les archives de Al Ahram sous le mot clé ‘harcèlement’, on a trouvé plus de 40 articles sur le problème en question rien qu’en 2011. Parmi eux, il y a fin nombre d’articles sur le harcèlement des femmes par l’armée égyptienne après la démission du président Moubarak le 11 février 2011. Avec la fin de la révolution, l’armée est allée à la place Tahrir et ont emmené tout le monde en prison militaire là, ils ont soumis plus de dix-sept femmes à de “soit disant” tests de virginité ce fut évidement une forme de harcèlement sexuel. Cependant plusieurs femmes sont allées rapporter cet événement horrible dans les télévisions égyptiennes, comme Salwa El Husseiny et Samira Ibrahim qui sont allées même au tribunal mais ont malheureusement perdu. Mais leurs voix dans les médias étaient vigoureuses l’armée a donc reconnu ce qu’elle a fait et a promis que cela ne se reproduira jamais plus. Ces marqueurs très importants ont montré comment les femmes commencent à parler et à lutter pour leur droit à être en sécurité dans les espaces publics. C’est à partir de ces faits que l’on a commencé à voir des articles, des reportages à la télévisons, des vidéos et des photos dénonçant le harcèlement sexuel des femmes en Egypte régulièrement. Les médias commencent donc à faire prendre conscience aux Egyptiens de l’existence de ce problème qui demeure depuis toujours.

Samira Ibrahim, activiste égyptienne.